La commission d’enquête parlementaire conclut que l’Etat a « échoué à faire respecter la loi »


Emmanuel Macron et le PDG d’Uber, Dara Khosrowshahi, à l’Elysée, le 23 mai 2018.

Comment une entreprise qui méprise autant les lois a-t-elle pu bénéficier d’autant de mansuétude ? La question revient avec insistance tout au long des 500 pages du rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les « Uber Files », rendu public mardi 18 juillet. Le document, fruit de six mois de travail au cours desquels cent vingt personnes ont été auditionnées par les députés, soulève de nombreux dysfonctionnements dans la manière dont les services de l’Etat ont réagi au développement, en France, d’Uber et d’autres plates-formes.

L’affaire est partie d’une série d’articles publiés par Le Monde et ses partenaires du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en juillet 2022 sur l’implantation de la plate-forme de transports en France et dans le monde. Une enquête basée sur de nombreux documents internes transmis au quotidien britannique The Guardian par Mark MacGann, lobbyiste en chef d’Uber en Europe de 2014 à 2016. Ils dévoilent comment l’entreprise a sciemment contourné les lois pour s’imposer face aux taxis ainsi que sa stratégie d’influence, notamment en France, où elle a noué une relation étroite avec Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’économie.

La députée (La France insoumise, Paris) Danielle Simonnet, rapporteuse et principale instigatrice de la commission d’enquête, reprend et prolonge ces révélations dans son compte rendu. Ces travaux s’appuient en partie sur les mêmes documents, mais aussi sur les auditions des principaux acteurs du dossier – à l’exception des anciens membres du cabinet d’Emmanuel Macron –, ainsi que de nouvelles pièces, plus récentes.

Contrôles en ordre dispersé

L’ancien premier ministre socialiste Manuel Valls et l’ex-ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, tous deux en poste à l’époque des « Uber Files », ont assuré à la commission d’enquête que l’Etat était resté ferme face au « cynisme total » de la plate-forme. Mais ils n’ont pas convaincu les députés, qui concluent au contraire que les autorités ont « échoué à faire respecter la loi ». Uber, rappellent-ils, a lancé son service de chauffeurs particuliers UberPop en France, du début de 2014 à juillet 2015, alors qu’il était manifestement illégal. Et les deux textes adoptés au cours du quinquennat Hollande pour répondre aux mauvaises pratiques de la plate-forme, la loi Thévenoud (2014) et la loi Grandguillaume (2016), sont encore, à ce jour, en partie contournés.

La faute à des procédures isolées et souvent peu concluantes. C’est, par exemple, le directeur général des finances publiques, Jérôme Fournel, qui reconnaît que le manque de coopération du fisc néerlandais et la lenteur des procédures ont limité sa capacité d’action. C’est aussi un contrôle de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) annulé au tribunal à cause d’un vice de forme, sans que l’organisme ne juge bon de relancer une procédure. Ou encore Nathalie Homobono, cheffe de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 2009 à 2018, qui reconnaît avoir découvert « a posteriori, lors des révélations des “Uber Files” », les ruses de l’entreprise pour saboter les contrôles et le travail de la justice, mais assure que cela n’a pas entravé ses investigations.

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